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Date: 20/02/2020

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Paye,Fiscal,Social

Statut protecteur

L’indemnité versée à un RP pour qu’il renonce à son mandat est imposable

Dans le cadre d'un licenciement économique avec PSE, des représentants du personnel s’étaient engagés à démissionner de leur mandat pour que l’employeur puisse les licencier sans avoir à solliciter l’autorisation de l’inspection du travail, moyennant une confortable indemnité. Ce n’est pas ce montage hors norme qui va poser difficulté, mais le traitement fiscal de l’indemnité versée aux représentants du personnel.

Un montage pour surmonter le refus d’autorisation de licenciement

Une société du secteur de la chimie avait décidé en 2009 de fermer un établissement et avait en conséquence élaboré un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), compte tenu de la suppression de l’ensemble des postes.

L’opération s’était cependant heurtée au régime du statut protecteur. L’employeur n’était en effet pas parvenu à obtenir de l’administration l’autorisation de licencier les salariés protégés.

Pour sortir de l’impasse, la société avait conclu en 2011 un accord pour le moins inhabituel, avec deux syndicats et les représentants du personnel. Ce texte prévoyait en effet que les représentants du personnel s’engageaient à démissionner de leur mandat, afin que l’employeur puisse les licencier à l’issue de la période de protection, donc sans avoir à solliciter l’autorisation de l’inspection du travail. En contrepartie, chaque représentant du personnel percevrait une indemnité forfaitaire de 54 000 €. Soulignons que cet accord avait apparemment été conclu avec l’accord implicite de la DIRECCTE, puisqu’il avait été négocié dans le cadre d’une médiation organisée par l’administration du travail.

Chacune des parties s’était conformée à l’accord : les représentants du personnel avaient démissionné, puis, une fois leur statut protecteur expiré, l’employeur les avait licenciés en leur versant l’indemnité convenue, en deux fois (novembre 2011 et janvier 2012).

Les représentants du personnel avaient cependant eu la désagréable surprise de voir chaque fraction de leur indemnité soumise à l’impôt sur le revenu, en 2011 et en 2012. Deux d’entre eux avaient donc contesté cette imposition, soutenant que l’indemnité qu’ils avaient perçue devait être considérée comme une indemnité de licenciement versée dans le cadre d’un PSE et, à ce titre, exonérée d’impôt sur le revenu (CGI art. 80 duodecies).

La cour administrative d’appel avait fait droit à leurs demandes et prononcé la décharge des impositions en question, ce qui avait conduit l’administration fiscale à saisir le Conseil d’État.

Une indemnité imposable, car destinée à compenser financièrement la démission des salariés de leur mandat

Dans deux arrêts du 12 février 2020, le Conseil d’État a donné raison aux pouvoirs publics et décidé que l’indemnité forfaitaire versée aux représentants du personnel était imposable.

Pour parvenir à cette conclusion, les juges ont examiné l’accord conclu par l’employeur, les syndicats et les représentants du personnel. Selon ce texte, la somme versée était définie comme « une indemnisation supplémentaire » qui ne se substituait en aucune manière aux indemnités conventionnelles de licenciement et aux indemnités transactionnelles « de préjudice subi » prévues par le PSE. Il était également prévu qu’elle n’entrait pas dans l’assiette de calcul de ces indemnités.

En outre, le protocole transactionnel conclu par chacun des représentants du personnel prévoyait que le signataire renonçait à remettre en cause la fin de ses mandats et la perte de son statut de salarié protégé à l'issue de la période légale de protection.

Autant d’éléments qui, pour le Conseil d’État, montraient que l'indemnité litigieuse avait pour seul objet de compenser financièrement la démission des salariés de leurs mandats électifs et représentatifs. Il était donc impossible de lui appliquer le régime fiscal d’exception prévu pour les indemnités versées dans le cadre d’un PSE.

L’arrêt n’évoque que l’aspect fiscal de l’affaire. On ne sait donc rien d’un éventuel contentieux sur le régime social de l’indemnité. Notons simplement que, si l’on fait application du raisonnement tenu par le Conseil d’État, l’indemnité en question ne devrait pas non plus pouvoir bénéficier de l’exonération de cotisations de sécurité sociale prévue pour les indemnités versées dans le cadre d’un PSE (et limitée à deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale) (c. séc. soc. art. L. 242-1).

CE 12 février 2020, n° 423914 ; CE 12 février 2020, n° 423916