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Actualités fiscales

Date: 31/12/2020

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Fiscal

Plus-values des particuliers

Apport de titres avant 2017 en report d’imposition obligatoire et soulte abusive au regard du droit de l’UE

La possibilité pour l’administration fiscale de refuser le bénéfice du report d’imposition de l’article 150-0 B ter du CGI aux opérations d’apports réalisées avant 2017, à concurrence du montant de la soulte reçue, en l’absence d’intérêt économique pour la société bénéficiaire de l’apport, répond à l’objectif de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales édicté à l’article 15 de la Directive fusions qui permet de déroger au principe de non taxation immédiate des plus-values d’apport (neutralité fiscale).

Dans le cadre des échanges et apports de titres réalisés avant le 1er janvier 2017, le différé d’imposition (sursis ou report d’imposition obligatoire) s’appliquait également au montant de la soulte reçue, qui n’était donc pas imposé immédiatement, dès lors que celui-ci n’excédait pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus. Toutefois, l’administration s‘était réservée la possibilité d’imposer la soulte inférieure à 10 % dans le cadre de la procédure de l’abus de droit.

En l’espèce, des contribuables qui avaient procédé à un échange de titres avec soulte avant 2017, placé sous le mécanisme du report d’imposition obligatoire de l’article 150-0 B ter du CGI, ont contesté les commentaires publiés le 4 mars 2016 selon lesquels « l’administration a toujours la possibilité, dans le cadre de la procédure de l’abus de droit, prévue à l’article L. 64 du LPF, notamment d’imposer la soulte reçue, s’il s’avère que cette opération ne présente pas d’intérêt économique pour la société bénéficiaire de l’apport et est uniquement motivée par la volonté de l’apporteur d’appréhender une somme d’argent en franchise immédiate d’impôt et d’échapper ainsi notamment à l’imposition de distributions du fait de ce désinvestissement » (BOFiP-RPPM-PVBMI-30-10-60-§ 160-04/03/2016).

Selon eux :

-ces commentaires seraient entachés d’incompétence dès lors qu’ils subordonneraient le bénéfice du report d’imposition obligatoire aux conditions, non prévues par le législateur, que l’apport présente un intérêt économique pour la société bénéficiaire et ne soit pas motivé par la seule volonté de l’apporteur d’échapper à l’impôt ;

-à supposer qu’ils n’ajoutent pas à la loi, ces commentaires seraient contraires au principe de neutralité fiscale édicté par la Directive fusions en présence d’opérations d’échanges transfrontières.

Le Conseil d’État rejette leur pourvoi :

-il ne résulte pas des dispositions de l’article 150-0 B ter du CGI, en l’absence de toute mention explicite en ce sens, que le législateur ait entendu exclure la possibilité pour l’administration fiscale d’appliquer aux opérations d’apport entrant dans leur champ d’application, et notamment en présence d’une soulte inférieure à 10 % de la valeur nominale des titres reçus, la procédure de répression des abus de droit lorsque les conditions de mise en œuvre de cette procédure sont réunies (concernant une solution identique ; CE 12 juillet 2017, n°401997) ;

-il résulte des dispositions de l’article 15 de la Directive, telles qu’interprétées par la Cour de justice de l’UE (CJUE 17 juillet 1997, aff. 28/95), que les États membres peuvent refuser aux opérations d’échange de titres les avantages fiscaux prévus par cette Directive lorsque de telles opérations ont pour objectif principal la fraude ou l’évasion fiscales et prévoir à cette fin, que la circonstance que de telles opérations n’ont pas été effectuées pour des motifs économiques valables constitue une présomption de fraude ou d’évasion fiscales.

À noter : Pour les opérations réalisées depuis 2017, le législateur a prévu l’imposition immédiate des plus-values d’apport à concurrence du montant des soultes reçues inférieures ou égales à 10 % de la valeur nominale des titres reçus (CGI art. 150-0 B, al. 3 et 150-0 B ter, I.al. 2). Lorsque le montant de la soulte est supérieur à 10 %, la totalité de la plus-value reste immédiatement imposable.

Pour aller plus loin :

« Titres des dirigeants : quelle fiscalité ? », RF 2018-4, § 4507 et 7318

CE 9 novembre 2020, n°440527